Témoignage : violence conjugale, comment sortir de la tourmente ?

Publié par - 17:00


Aujourd'hui, je te publie un article sur un sujet qui me tient à cœur, car bien trop souvent évoqué dans la vie de tous les jours et bien trop souvent ignoré. Il s'agit des violences conjugales envers les femmes. Au travers d'un témoignage recueilli auprès d'une jeune victime de ces actes, je te propose de découvrir son histoire ainsi que la façon dont elle s'est battue pour s'en sortir.

Combien de temps ta relation a-t-elle duré ?

Ma relation en tout et pour tout, si j’exclue les ruptures qu’il y’a pu avoir, a duré sept ans et deux mois environ. Nous avons commencé à nous fréquenter en juillet 2007 et tout s'est terminé en mai 2013.

Quand et comment on commencé les violences ?
Je ne me rappelle plus exactement du moment où elles ont commencé. Ce dont je suis sûre, c’est que ça a commencé à partir du moment où je me suis éloignée de mes parents. Je lui donnais tout, je faisais tout pour lui, il n’y avait que lui qui comptait. Les premiers temps, nous ne faisions que nous disputer, puis sont arrivées les premières claques, les premières bousculades puis c’est monté crescendo. Je refusais de me laisser faire et  je lui rendais donc les coups qu’ils pouvaient me donner.

Comment se manifestaient-elles ?
Au départ, les violences étaient verbales avant d’être physiques. Il m’insultait parce que je faisais mal les choses ou alors que j’oubliais de les faire. Ces insultes étaient violentes dans le sens où elles m’atteignaient directement. Si j’avais le malheur d’arriver en retard, de rater mon bus pour rentrer des cours ou même de ne pas en avoir pour cause de grève, je pouvais être sûre qu’à l’arrivée je prenais des claques, des coups de pieds dans les côtes. Une fois, il m’a même ouvert la lèvre. Dès que je n’allais pas dans son sens, ça n’allait pas, et comme il n’avait ni confiance en moi, ni confiance en lui, il trouvait cela presque normal de s’en prendre à moi de cette manière. Au fur et à mesure du temps, c’était devenu habituel, on ne se disputait plus, on ne parlait plus, il me violentait.

As-tu été déposer plainte ?
Non, je n’y suis jamais allée.

Pourquoi ?
Dans un premier temps parce que je l’aimais malgré tout ce qui se passait, je ne me voyais pas lui faire cela. Aussi parce qu’à chaque fois, je le pardonnais, je me disais qu’il allait changer. J’attribuais son comportement au fait qu’il fume le joint. Je me disais aussi que si je portais plainte, je blesserai ses parents chez qui je vivais à l’époque. Je ne voulais pas me mettre à dos sa famille que je considérais comme la mienne. J’avais aussi peur des représailles, que ce soit pire que ce que je pouvais subir au quotidien.

Quand as-tu eu le déclic de te dire : « J’en ai assez, d'être une victime, je veux m'en sortir. » ?
Suite à un incident survenu sur mon lieu de travail. Ce qu’il faut savoir c’est qu’environ une semaine avant que notre histoire ne se termine, tout allait bien, j’étais bien malgré les histoires que nous pouvions avoir. J’étais donc sur mon lieu de travail, j’ai pris une pause avec un collègue pour aller fumer une cigarette tout en parlant avec mon petit-ami par sms, ne sachant pas qu’il allait arriver. Nous nous sommes entrecroisés, à savoir que j’ai pris les escaliers et lui les escalators. Il a demandé à mon responsable où je me trouvais, et ce dernier lui a dit que j’étais descendue pour fumer une cigarette et qu’il m’avait ratée de peu. Il m’a rejoint et m’a vue discuter avec mon collègue que je lui avais déjà présenté. Devant lui, il m’a mis une gifle dont la violence fut telle que j’en ai saigné. Je suis remontée en courant voir mon responsable et durant quarante-cinq minutes j’ai entendu un bruit sourd dans mon oreille, je pensais même qu’il avait réussi à toucher le tympan tant j’avais mal. Je me suis alors dis : « Maintenant, ça se passe sur mon lieu de travail, bientôt il va vouloir que j’arrête de travailler et ce sera fini. » Ça a vraiment été le déclic, la gifle de trop, même si physiquement il n’y avait pas tant de dégâts si je puis dire, mentalement j’ai pris un coup. Mon lieu de travail était vraiment l’endroit où je pouvais penser à autre chose, laisser mon esprit s’évader, être moi-même sans avoir peur, et à partir du moment où il y’a touché, j’ai dit stop.

Comment as-tu fait pour t’en sortir ?
Dans un premier temps, j’ai repris contact avec mes parents et des amis proches à qui je n’avais pas parlé depuis des années. Je leur ai tout raconté en détails. Certaines personnes étaient au courant, et d’autres non. Pour s’en sortir, je dirais qu’il faut de la volonté, parce que l’amour que l’on éprouve pour la personne qui nous violente est un amour d’habitude et non un amour de sentiment. Lui me disait qu’il allait changer, sa famille me tenait le même discours. Je me suis donc dis que non, que c’était faux. Et j’ai aussi compris que je ne dépendais de personne et que j’avais le choix de vivre la vie que j’avais envie de vivre, faire mes propres choix. Ce qu’il faut c’est être entourée, reprendre contact avec des anciens amis, changer de train de vie. Bien entendu, notre rupture n’a pas été sans conséquences. Il m’a harcelée, suivie, il frappait à la porte du domicile de mes parents. Il a même tenté de m’écraser alors que je faisais du footing. J’ai dû appeler à l’aide un ami à moi qui habitait non loin. Il ne cessait de m’appeler, de m’envoyer des messages, et à chaque fois que je sortais, j’avais peur de le croiser, qu’il soit derrière moi. Ça a duré presque deux mois et demi. Je ne vais pas te mentir, après cela j’ai rapidement rencontré quelqu’un d’autre qui m’a beaucoup aidé, même si aujourd’hui cette relation est terminée, le fait d’avoir eu une vraie relation, avec de l’affection, du respect m’a beaucoup aidée.

Que conseillerai-tu aux femmes dans ta situation ? Leur conseillerais-tu par exemple de déposer plainte ?
Ça dépend. Oui et non. Si cette démarche peut leur permettre de se dire qu’elles font un premier pas pour tenter de s’en sortir, oui. Faire cela pose les choses sur papier, on en parle à quelqu’un d’extérieur, quelqu’un de neutre qui peut agir sur la situation, mais en fait, je pense que l’envie de s’en sortir s’allie avec le mental.  Je pense que si la personne violentée n’a pas le déclic que j’ai pu avoir, cela peut ne jamais s’arrêter. D’ailleurs, je reste persuadée que si moi-même je n’en avais pas eu un, ça aurait continué. Ce qu’il faut aussi faire c’est travailler sur soit, se poser les bonnes questions comme par exemple : est-ce que j’ai envie de ça toute ma vie ? Est-ce que je veux que mes enfants voient cela ? Subissent ça ? Ce sont les questions que je me suis beaucoup posée et la réponse était non à chaque fois ; je ne voulais pas de cette vie. Il faut que la personne qui subit des violences se dise qu’elle est une personne à part entière, que même si elle n’a personne, elle peut s’en sortir, surtout que maintenant, il existe des activités qui permettent de rencontrer de monde, des structures qui accueillent les personnes victimes de ce genre de traitement. Il y’a toujours une solution, il suffit juste de faire preuve de volonté. Vivre sous les coups, le rabaissement, la soumission, ce n’est pas ça la vie, je peux te le dire. Presque quatre ans après, je peux dire que je vis bien, je rencontre des gens, je suis indépendante, c’est une autre vie.  

Fais-tu de nouveau confiance aux hommes, et si oui, comment as-tu fais ?
La relation passée que j’ai eu n’étais pas une question de confiance en lui, mais en moi-même. Je refais confiance aux hommes, oui et non, c’est plus général, c’est-à-dire qu’à part à un petit groupe d’amis et à ma famille bien-sûr, je n’ai confiance en personne. J’ai tendance à beaucoup m’en ficher en fait, je vis le moment présent, tout simplement parce que par rapport à ce que j’ai pu vivre, je me dis que ça ne pourra jamais être pire. La personne avec qui je suis restée pendant sept ans a été mon premier amour, je n’ai jamais aimé quelqu’un comme je l’ai aimé lui. Malheureusement, aujourd’hui je cumule des relations qui ne me conviennent pas, je ne trouve pas mon équilibre. Bien entendu, jamais je ne revivrais une relation comme celle que j’ai pu vivre, mais j’ai vraiment donné tout mon amour à l’homme avec qui je l’ai partagée. Aujourd’hui, je prends la vie comme elle vient, avec les personnes que je rencontre, j’essaye de construire des choses, si ça fonctionne tant mieux, sinon tant pis. Alors non avec ce que j’ai vécu, je ne fais plus confiance aux hommes, j’ai quand même toujours la crainte que ça recommence, ou que je souffre d’une autre manière, mais j’ai confiance en l’avenir. Et du moment que j’ai confiance en l’avenir et en moi-même, la relation que j’aurai avec un homme fera que peu à peu j’aurai confiance en lui. 

Témoignage recueilli en janvier 2017.

J'espère que ce témoignage t'as intéressée et que si tu as déjà été de près ou de loin touchée par cette situation, tu trouveras le courage d'en parler. Je t'envoies plein d'amour et de bisous pour t'aider à trouver la force ! C'était mon dernier article avant mon absence, je te donne rapidement de mes nouvelles et je te retrouve bientôt j'espère.

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2 commentaires

  1. Sujet grave et sensible. Même si on parle bcp plus des violences conjugales faites aux femmes cela reste encore un sujet tabou... bravo Marie et merci pour toute ces femmes d'avoir abordé ce sujet. Courage à cette jeune fille ! Aucun homme n'a le droit de lever la main sur une femme!!!

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    1. Je te remercie, ça me touche beaucoup ! J'avais un peu peur de publier cet article mais je me suis dit que c'était une cause importante et que si ce cela pouvait à aider des femmes ce n'était que du positif !
      La jeune femme dont j'ai recueilli le témoignage va bien, elle vit sa vie et je lui souhaite le meilleur !

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